C’est en tout cas ainsi qu’on peut comprendre cette affirmation qui ne manquera pas d’irriter nombre de bien-pensants de l’écologie politique : « Mais ce tissu du vivant, ce serait une erreur de le nommer innocemment "Nature" comme l’ont fait les modernes, celle qu’il faudrait protéger, aimer ou exploiter (et il ne faut pas non plus se passer de ce mot, c’est plutôt que mille mots réflexifs sont nécessaires, à libérer, inventer, détourner). C’est-à-dire qu’ils ne s’opposent pas de manière statique, mais qu’ils se substituent l’un à l’autre : je suis une trajectoire de puissance qui monte vers la joie, ou une trajectoire triste, qui descend vers l’impuissance. C’est là que tout se joue. On lira aussi, ce qui pour le coup ne manque pas de sel, à quand et à quoi remonte, selon l’auteur, le besoin de sel dans l’alimentation humaine (p. 151-153 et 171), parce que nous ne sommes plus les éponges de l’époque originelle dans les océans. TRIBUNE. Et, quelques lignes plus loin, l’auteur confirme : « C’est l’expérience de la vulnérabilité mutuelle avec les pollinisateurs, les vers de terre, la vie des océans qui nous pousse à sentir depuis le point de vue des interdépendances. Toujours le loup : « Loup noir et loup blanc ne sont pas des parties de soi, mais des trajectoires ascendantes ou descendantes, mutuellement exclusives, que le soi peut emprunter. L’individu dispose conséquemment d’une certaine marge de liberté pour en réinventer les usages. Un front commun, Raviver les braises du vivant, Baptiste Morizot, Actes sud. Livres numériques Nos services Tous les livres Livres eBooks Jeux - Jouets Papeterie Recherche avancée […] Reste cette conclusion : il est peu défendable de vouloir éradiquer les loups pour protéger des brebis vulnérables, alors que c’est notre héritage qui les a rendues telles. Baptiste Morizot est écrivain et maître de conférences en philosophie à l'Université d'Aix-Marseille. Les alliances que propose Morizot ne sont pas des compromissions, « ce sont des alliances agonistiques, des alliances de combat » (notes 31 et 34, p. 305-306) « contre les usages extractivistes le plus souvent, et tous ceux qui fragilisent le maintien des tissages, tous ceux qui participent au processus de "cheapisation" du tissu du vivant. […] Le loup n’est pas interdépendant de nous au sens où sa disparition nous voue à la mort, mais au sens où sa présence nous engage dans des transformations d’usage des territoires qui sont plus soutenables, plus vivifiantes pour les milieux, et pour les pratiques humaines elles-mêmes. La réflexion de Baptiste Morizot s'appuie notamment sur ses expériences de pistage des loups en France, ou des ours aux États-Unis. ll enseigne la philosophie à l’Université d’Aix-Marseille mais c’est un philosophe particulier. Agrégé et docteur en philosophie, ses recherches consistent en une enquête transdisciplinaire, centrée sur les relations constitutives entre l’humain et le vivant en lui et hors de lui. Baptiste Morizot, philosophe-pisteur Publié le 25/02/19 Alice Leroy Philosophe et Maître de Conférences, Baptiste Morizot a quitté le confort des bibliothèques pour explorer de nouveaux territoires, ceux de notre relation au monde sauvage et à la diversité des vivants que nous avons relégués dans des représentations fantasmatiques. » (p. 263). C’est ce que l’auteur définit comme un rapport « diplomatique » aux passions en soi (p. 186-187). [3] Voir aussi les notes de B. Morizot n° 23 et 25, p. 301-302. Baptiste Morizot, que dans ses précédents livres on reconnaissait à sa manière si singulière de frayer la piste animale à travers différents lieux, s’est mis en tête d’élargir la focale et de pister cette fois des milieux de vie. » (p. 57). Rendez-vous sans plus attendre dans notre rubrique regroupant ces thématiques et découvrez de nombreuses oeuvres qui vont à coup sûr piquer votre curiosité. Face à la disparition vertigineuse du vivant, le philosophe-pisteur, Baptiste Morizot, maître de conférences à l'Université d'Aix-Marseille nous invite à repenser, à réinventer nos relations avec tous les êtres vivants dans "Manières d'être vivant. La réponse ne tarde pas : « Chaque vivant hérite de caractères dont la forme et le fonctionnement s’expliquent certes par la sélection naturelle, mais cette dernière a porté dans le passé sur une multitudede fonctions successives ; ensuite parce que des possibles riches bruissent ainsi dans cet héritage. Nous sommes voués à le voir et à le comprendre de l’intérieur, nous n’en sortirons pas. Ayant travaillé à démystifier la notion de valeur intrinsèque de la nature [4], je suis très sensible à cet argument de Morizot : « Ce n’est pas parce qu’on démontre rationnellement ou déduit logiquement que les vivants ont de la valeur que l’on s’en soucie, c’est parce qu’on s’en soucie qu’on leur confère de la valeur » (p. 270). Compte rendu du livre : Les Diplomates. En distinguant l’usage et la fonction d’un comportement (par exemple, le hurlement du loup), Morizot « ouvre la voie à une philosophie du vivant qui assume les héritages biologiques sans les transformer en déterminisme : au contraire, ils constituent la condition de l’inventivité, de la nouveauté et de la liberté » (p. 58). […] C’est pourquoi le goût pour l’animisme, pensé comme connexion mystique et sensible à la nature, opposé à la rationalité occidentale conçue comme objectivante et aliénante, constitue une position problématique. Dès lors, s’ouvre une nouvelle compréhension de la théorie de l’évolution de Darwin : les non-humains « sont si familiers » parce que nous avons une « ascendance commune » et que « devant un autre vivant, il faut tenir ensemble que ce parent est un alien » (p. 67). […] Et ces ascendances sont partagées. Ce qui est appelé couramment l’environnement n’environne rien puisque les humains sont directement insérés dans un milieu vivant. Dans ces conditions, il est ambigu d’affirmer que "nous sommes la naturequi se défend". Ce que j’appelle "usages", ce sont des manières hic et nunc, dans la vie individuelle, de détourner et d’utiliser des caractères ataviques en profitant des propriétés dont ils ont hérité, mais à d’autres finsque celles pour lesquelles ils ont été sélectionnés. Recevez du lundi au vendredi à 12h une sélection toute fraîche à lire ou à écouter. Et, ce qui ne gâte rien, il est passionnant. Quel rapport de Spinoza avec le loup ? […] C’est l’intensification de la vitalité joyeuse et sage de ce désir, au détriment de la tristesse morbide, qui fait vertu, et devient le nom de la sagesse » (p. 186). Ou encore, en se référant à Maurice Merleau-Ponty, « chaque forme de vie est une variante des autres, mais il n’y a pas de patron, seulement des variantes » (p. 97). » (p. 254, 257, 259-260).[3]. Il signe un grand livre de philosophie." Agrégé et docteur en philosophie, ses recherc... more Baptiste Morizot est MCF à Aix-Marseille Université (CEPERC/ UMR 7304). Un livre à lire pendant l’été 2020, après les épisodes de la pandémie du Covid-19, de la Convention citoyenne sur le climat, et en prévision des mesures néolibérales de relance de la machine à réifier du capitalisme. » (p. 141-142). Des milliers de livres avec la livraison chez vous en 1 jour ou en magasin avec -5% de réduction ou téléchargez la version eBook. Pourtant, l’auteur nous avertit : « Il n’est pas nécessaire que les acteurs humains et non humains aient pour intentionde s’allier pour qu’il y ait alliance (c’est déjà le sens du concept descriptif d’"alliance objective"). Ce ne sont plus les ennemis de mon camp humain extrait des tissages avec les vivants, mais les ennemis du tissage lui-même » (p. 268). Fnac : Cohabiter avec les loups sur une autre carte du vivant, Les Diplomates, Baptiste Morizot, Wildproject". Et si Morizot ne retient qu’une chose de l’animisme, ce sont les « égards » que les humains doivent aux non-humains, même à ceux que leur survie oblige à tuer ou à exploiter. Manières d'être vivant, avec le philosophe-pisteur Baptiste Morizot, Henri Matisse, couleurs sonores (1/4) : le mystère Matisse. Le livre de Baptiste Morizot est stimulant et donc dérangeant. C’est un ouvrage original et fécond à plus d’un titre. C’est parce qu’il a connu plusieurs fonctions dans le passé que le hurlement du loup est riche d’harmoniques complexes, de propriétés multiples, qui le rendent disponible pour des inventions d’usages, comme s’assurer de la barbarie d’un interlocuteur humain. […] D’autre part, ce goût pour l’animisme pensé comme connexion sensible opposée à une approche rationnelle passe par l’idée que l’accès aux invisibles, aux significations et aux communications des autres vivants est amoindri par le travail des sciences, par leur usage du raisonnement et du langage. Autrement dit, la connaissance des interdépendances et l’attention qui leur est portée est le fait des humains seuls. L’auteur, qui s’inscrit dans la tradition éco-phénoménologique, y établit le diagnostic sévère d’un « appauvrissement de ce que nous pouvons sentir, percevoir, comprendre et tisser comme relations à l’égard du vivant ». » (note 34, p. 306, souligné par moi, JMH). D’une part, il tend à réactiver la croyance très ethnocentrique selon laquelle les peuples premiers n’enquêtent pas. La conclusion est que « l’éthique ne consiste plus à s’élever fièrement au-dessus de l’animal en soi, mais dans une certaine manièreà être l’animal que nous sommes » (p. 203). Il peut bricoler des solutions, composer la situation pour que ces interdépendances émergent dans toute leur clarté aux yeux de tous, ou soient respectées, même si elles semblent s’opposer aux intérêts à court terme de chaque camp » (p. 242-243). Le paradoxe, pourtant, c’est que ce sont les humains qui sont en grande partie responsables de cette panique : le mouton descend d’un mouflon sauvage qui, lui, savait se défendre, s’enfuir, s’organiser. Baptiste Morizot (Auteur) 5 ( 4 ) Carte Fnac+ à 7,99 pendant 1 an pour tout achat -5% livres en retrait magasin Il s'agit avant tout d'un problème géopolitique : réagir au retour spontané du loup en France, et à sa dispersion dans une campagne que la déprise rurale rend presque à son passé de « Gaule chevelue ». Il est l'auteur desDiplomates. Le dernier livre de Baptiste Morizot, 37 ans, étoile montante de la pensée écologique, est à la hauteur de son accroche : Raviver les braises du vivant. Je vous propose de commencer par le livre de Florence Burgat Qu’est-ce qu’une plante ? Les adresses de pages web et les adresses courriel se transforment en liens automatiquement. Il déjouait les attaques lupines près de neuf fois sur dix. Le désir n’est pas un manque, c’est une puissance – la puissance par laquelle nous persévérons dans l’existence. C’est un phénomène classique de la domestication, qui permet aux domesticateurs d’utiliser cette possibilité développementale inventée par l’évolution, qu’on appelle la néoténisation (elle consiste à retarder la maturation des individus), pour ne conserver dans le cheptel que les spécimens les plus impressionnables, manœuvrables, malléables, manipulables. Que signifie alors, pour les membres de l’équipe qui piste les loups, de hurler pour entendre, écouter et comprendre les hurlements des loups qui répondent à leur appel ? C’est la thèse que semble défendre Baptiste Morizot dans son dernier livre. "Baptiste Morizot propose dans cet ouvrage une nouvelle carte ontologique. Un livre pour l’été 2020 : Manières d’être vivant de Baptiste Morizot, OMC : les défis d’une institution en panne, Dette : derrière le débat sur l'annulation, le traumatisme de la crise de 2010, Luxembourg, la fabrique d'un paradis fiscal, Des idées neuves (1) ? » (p. 146). 4 févr. Le philosophe Baptiste Morizot (Université d’Aix-Marseille) vient de publier Manières d’être vivant, Enquêtes sur la vie à travers nous [1]. Les lignes et les paragraphes vont à la ligne automatiquement. Le diplomate ici portraituré ne représente pas les loups, les océans ou le nucléaire, il active le point de vue des interdépendances. Cohabiter avec les loups sur une autre carte du vivant (Wildproject, 2016), et chez Actes Sud, deSur la piste animale(2018) et Manières d'être vivant (2020). Celui dont son ami écrivain Alain Damasio dit dans la postface qu'il "met la vie à l'intérieur de la pensée". par Nous sommes le vivant qui se défend – y compris contre sa conversion en "Nature". C’est-à-dire au processus qui le rend "bon marché", de faible valeur dans tous les sens du terme : qui simultanément, le dévalue ontologiquement, le dépolitise et le convertit en matière première pour le productivisme. FLORENCE BURGAT "Un livre génial, qui permettra au lecteur de vivre quelque chose comme une expérience oscillant entre un séisme intime et une ascension alpine." Enquêtes sur la vie à travers nous est, après Les Diplomates et Sur la piste animale, le dernier livre de Baptiste Morizot, maître de conférences à l'Université d'Aix-Marseille. Et « on comprend que la crise de cette relation entre loups et pastoralisme en Europe provient en grande partie de la situation sinistrée du pastoralisme ovin français, liée à des logiques économiques (la dévaluation de la viande issue de la filière française induite par la Politique agricole commune et la mondialisation du marché du mouton) » (p. 244). Au fur et à mesure que l’on avance dans la lecture de cet ouvrage, dont les comptes rendus de pistage et la conceptualisation philosophique alternent de chapitre en chapitre, on pourrait se demander quel rapport l’auteur entretient avec l’animisme. Et pourquoi cette préoccupation ? On-line books store on Z-Library | B–OK. On imagine facilement d’ordinaire un philosophe plongé dans ses livres et dans ses références, collé à son écran d’ordinateur et phosphorant en vase clos, dans sa solitude de penseur. L’auteur a certainement conscience de cette difficulté car il écrit : « Disons qu’il est extrêmement difficile d’esquiver toutes les métaphores dans cette entreprise conceptuelle, qui resémantise l’idée d’alliance pour qualifier des fronts communs avec des entités qui pourtant ne passent pas contrat et ne parlent pas. Cette question sert à vérifier si vous êtes un visiteur humain ou non afin d'éviter les soumissions de pourriel (spam) automatisées. On découvre donc un philosophe de métier qui passe une bonne partie de son temps à participer à l’expérience scientifique « CanOvis »[2] de suivi des loups dans les montagnes du Vercors et des alentours. C’est l’idée que par héritage commun ou par convergence évolutive – parce que deux formes de vie ont pendant un certain segment de leur histoire évolutive partagé les mêmes conditions écologiques et les mêmes relations avec d’autre formes de vie – se sont sédimentés, chez des formes de vie qui peuvent être prodigieusement éloignées sur l’"arbre" du vivant, des dispositions, des comportements et des tonalités affectives qui se ressemblent : des manières partagées d’être vivant » (p. 107-109). Pouvons-nous comprendre les loups et peuvent-ils nous comprendre ? L’auteur évacue définitivement la question de savoir si l’humain est un animal comme les autres, mais il demande : « de quelle autre manière ? Un économiste point trop engoncé dans la théorie dominante ne pourrait rester indifférent à cet avertissement qui n’est pas sans rappeler l’empathie théorisée par Adam Smith dans sa Théorie des sentiments moraux (1759) : « Pour qu’un migrant m’émeuve, pour que son sort m’ébranle, il faut que j’estime que le fait qu’il soit lui et que je sois moi est un fait contingent : que je pourrais très bien être lui et lui moi, et que nos différences sont des hasards heureux ou malheureux, et pas des nécessités liées au destin, à l’élection, au mérite ou à la valeur.